CHEN DUXIU

CHEN DUXIU
CHEN DUXIU

CHEN DUXIU [TCH’EN TOU-SIEOU] (1879-1942)

Prestigieux chef de file du Mouvement du 4-Mai et futur secrétaire général du Parti communiste chinois (P.C.C.), Chen Duxiu naît à Huaining en Anhui dans une famille riche. Influencé par les modernistes Liang Qichao et Kang Youwei, il étudie à l’École normale supérieure de T 拏ky 拏, apprend le français et l’anglais avant d’éditer, épisodiquement, à Shanghai des feuilles radicales qui seront vite interdites. Après un séjour en France, il côtoie, au Japon, la société nationaliste de Sun Yat-sen, Tongmenghui, sans pourtant s’y affilier, la jugeant chauvine.

Rallié à la révolution de 1911, il fuit au Japon la réaction de Yuan Shikai puis fonde en 1915 à Shanghai Le Magazine de la jeunesse (Qingnian zazhi ) qui devient la plus influente des publications révolutionnaires. Chen Duxiu y réclame une régénération sociale et culturelle, l’adoption des idées nouvelles de l’Europe, le rejet du conservatisme confucéen et l’égalité des sexes. Cet avant-gardisme empreint de foi dans le progrès technique soulève des polémiques acharnées. Doyen de l’université de Pékin, Chen Duxiu rebaptise son journal Xin Qingnian , sous-titré en français La Jeunesse , et, faisant du journal l’étendard de la révolution littéraire et culturelle, ouvre ses pages à l’intelligentsia engagée (Hu Shi, Li Dazhao, Luxun, Mao Zedong). La Jeunesse trouve son heure lors de la conférence de Paris qui remet au Japon les anciennes concessions allemandes du Shandong et déchaîne une exaspération nationaliste chez les intellectuels qui vont radicaliser leurs vues dans les mois suivants et se tourner résolument vers le marxisme. Chen Duxiu, Li Da, Shao Lizi ne tardent pas à former la Ligue de la jeunesse socialiste, groupe socialiste, précurseur du parti communiste formé en juillet 1921 avec Chen Duxiu comme premier secrétaire général du comité central.

Sur les instances du Komintern, le P.C.C. adopte une politique de collaboration avec le Guomindang (GMD) de Sun Yat-sen; Chen Duxiu préconise cette stratégie pour rallier les éléments les plus avancés de la bourgeoisie nationaliste. Mais, à l’inverse de Mao Zedong, il ne croit pas à la potentialité révolutionnaire paysanne qu’il pense nécessairement liée à un progrès du capitalisme dans l’agriculture. Cette politique de collaboration divise gravement le P.C.C. Misant sur une analyse erronée des rapports sociaux au sein du GMD et bientôt choqué par les directives fluctuantes de Moscou, Chen Duxiu entrevoit bien le péril qui vient de la droite du GMD, mais il espère, de l’intérieur, contrôler ce parti. Après la mort de Sun Yat-sen (1925), Tchiang Kai-chek accentue la détérioration des rapports entre GMD et P.C.C., créant de graves dissensions chez les communistes qui voient nombre des leurs défendre la rupture avec le GMD contre les avis de Staline. Chen Duxiu, auquel Qu Qiubai reproche sa collaboration, son autoritarisme et sa défiance de la paysannerie, paraît cependant assez circonspect à l’égard d’une direction du Parti communiste de l’Union soviétique (P.C.U.S.) au sein de laquelle s’affrontent Staline et Trotski.

C’est dans ce climat de division qu’en juillet 1927, Wang Jingwei expulse les communistes du gouvernement de gauche du GMD. Cet échec du mouvement révolutionnaire permet à Staline d’en imputer la faute à Chen Duxiu, taxé d’opportunisme droitier puis de trotskisme. Éliminé lors de la conférence secrète tenue d’urgence le 7 août 1927, Chen Duxiu est remplacé au secrétariat général du comité central du P.C.C. par Qu Qiubai. Malgré son prestige et l’audience dont il jouit dans l’organe officiel du P.C.C., Buersaiweike («Le Bolchevik»), Chen Duxiu est exclu du parti communiste, alors sous influence de Li Lisan, lors du VIe congrès de Moscou (1929) en même temps que les militants qui ont signé avec lui une demande de discussion générale au sein du parti pour un réexamen de sa position politique. L’année suivante, redemandant l’instauration d’un véritable débat au grand jour, il refuse de répondre à l’invitation de Moscou qui lui demande de s’expliquer. Dans le même temps, Chen Duxiu rencontre des communistes dissidents rentrant de Moscou et qui ont formé un groupe trotskiste soutenu par le journal Women di hua («Nos Paroles»). Fort de cet appui, Chen Duxiu dénonce l’aventurisme gauchiste du P.C.C. qui a conduit à la tragédie un parti communiste qu’il juge inféodé au Komintern et à Staline. Des mois durant, réfutations, dénonciations et excommunications idéologiques se succèdent jusqu’à ce que les trotskistes préconisent la révolution permanente sans passer par l’étape du «socialisme dans un seul pays». Cette lutte idéologique et politique se poursuit sous la menace permanente de la répression et Duxiu, qui vient de perdre deux fils qui ont été exécutés par le GMD, est arrêté en octobre 1932. Jugé lors d’un procès semi-public où il prononce un brillant réquisitoire, il est condamné à quinze ans d’emprisonnement; le GMD tente en vain de se servir de lui contre le P.C.C., mais Chen Duxiu se replie dans ses recherches philologiques et littéraires.

Lors de l’entrée en guerre de la Chine contre le Japon (1937), libéré sur parole, il annonce qu’il rejoint le front uni antijaponais. Ses écrits d’alors révèlent une évolution politique: affirmant la nécessité du socialisme, il défend une forme de démocratie parlementaire tout en dénonçant la dictature stalinienne de concentration du pouvoir: «Toute forme d’orthodoxie est aussi restrictive sur l’individu que le fut le confucianisme et doit être donc combattue. Toute adoration d’orthodoxie est une forme de superstition et doit être donc combattue.» Épuisé moralement ainsi que physiquement, Chen Duxiu meurt en résidence surveillée, oublié par un pays plongé dans la guerre.

Éminent lettré, auteur d’études philologiques et d’écrits politiques, Duxiu, malgré son oblitération par l’historiographie communiste, fait figure de prestigieux révolutionnaire et de journaliste brillant et combatif, admiré par Mao Zedong et sa génération. Sa conception initiale d’une révolution dualiste, d’abord bourgeoise puis socialiste, tend à le rapprocher de Plekhanov.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Chen Duxiu — Chén Dúxiù (chinesisch 陳獨秀 / 陈独秀 Chén Dúxiù, Geburtsname: 慶同 / 庆同 Qìng Tóng, akademischer Name: 仲甫 Zhòngfǔ; * 1879; † 1942) war …   Deutsch Wikipedia

  • Chen Duxiu — Mandats …   Wikipédia en Français

  • Chen Duxiu —   [tʃɛn duç ], Ch en Tu hsiu [tʃɛn duç ], Tschen Tu hsiu, chinesischer Politiker, * im Distrikt Huaining (heute Anqing, Provinz Anhui) 8. 10. 1879, ✝ Jiangjin (Provinz Sichuan) 27. 5. 1942; beteiligte sich an der Revolution von 1911 und am… …   Universal-Lexikon

  • Chen Duxiu — This is a Chinese name; the family name is Chen. 陈独秀 陳獨秀 Chen Duxiu General Secretary of the Communist Party of China In office 2 August 1921 – 7 August 1927 Succeeded by …   Wikipedia

  • Chen Duxiu — Este es un nombre chino; el apellido es Chen. Chen Duxiu. Chen Duxiu (chino tradicional: 陳獨秀, chino simplificado: 陈独秀, pinyin: Chén Dúxiù, Wade Giles: Ch en Tu hsiu; Anqing, Anhui, 28 de octubre de 1880 Jiangjin, Sichuan, 27 de mayo de 1942) fue… …   Wikipedia Español

  • Chen Duxiu — Éste es un nombre chino; el apellido es Chen. Chen Duxiu (chino tradicional: 陳獨秀, chino simplificado: 陈独秀, pinyin: Chén Dúxiù, Wade Giles: Ch en Tu hsiu) (Anqing, Anhui, 28 de octubre de 1880 Jiangjin, Sichuan …   Enciclopedia Universal

  • Chen Duxiu — /jun dooh shyooh / 1879 1942, Chinese intellectual, journalist, and cofounder of the Chinese Communist party. Also, Ch en Tu hsiu. * * * or Ch en Tu hsiu born Oct. 8, 1879, Huaining county, Anhuei province, China died May 27, 1942, Jiangjing,… …   Universalium

  • Chen Duxiu — /jun dooh shyooh / 1879 1942, Chinese intellectual, journalist, and cofounder of the Chinese Communist party. Also, Ch en Tu hsiu …   Useful english dictionary

  • Chen (Familienname) — Chen (chinesisch 陳 / 陈 Chén, W. G. Ch ên) ist ein chinesischer Familienname. Bekannte Namensträger Inhaltsverzeichnis A B C D E F G H I J K L M N O …   Deutsch Wikipedia

  • Chen — also Ch ên (chŭn) A Chinese dynasty that ruled from 557 to 589. * * * (as used in expressions) Chen Duxiu Chen Shui bian Yang Chen Ning * * * …   Universalium

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”